Le méta-projet MICROMEGAS

Modélisation mathématique des phénomènes radiobiologiques. La formule fondamentale de la radiobiologie enfin résolue : une énigme de 40 ans.

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Les dommages de l’ADN sont des événements-clés de la réponse aux radiations qui peuvent conditionner la réponse cellulaire à travers une succession d’événements physiques, chimiques et biologiques. En particulier, les cassures double-brin de l’ADN (CDB) non ou mal réparées sont associées respectivement à l’effet létal ou à l’instabilité génomique. La technique d’immunofluorescence permet aujourd’hui d’identifier topologiquement et quantitativement au sein-même des noyaux cellulaires les CDB prises en charge par les différentes voies de réparation et de signalisation sous la forme de foci nucléaires. Toutefois, l'expression mathématique des cinétiques d’apparition et de disparition des foci nucléaires a rarement été étudiée. En parallèle, depuis les années 70, la relation entre la survie cellulaire S et la dose D de radiation a été décrite par une formule mathématique empirique (S=exp(-alphaD-betaD²)) appelée modèle linéaire-quadratique (LQ) utilisée quotidiennement par les radiobiologistes et les radiothérapeutes.

Objectifs : Nous proposons de modéliser mathématiquement les principaux phénomènes radiobiologiques et notamment le transit cyto-nucléaire de la protéine ATM et des processus moléculaires et cellulaires associés à partir des données d'immunofluorescence de la collection COPERNIC (voir projet du même nom), ensemble de lignées fibroblastiques humaines provenant de patients ayant montré des réactions secondaires après radiothérapie. Nous avons utilisé de nombreuses résultats radiobiologiques obtenus après irradiation gamma, protons ou ions carbone de ces lignées COPERNIC ainsi que des données sur la décondensation de la chromatine après irradiation. L’objectif final permettra d’établir un pont entre les événements physiques et biologiques précoces afin de mieux estimer le risque radioinduit.

Résultats: En introduisant la notion de reconnaissance des CDB, nous avons pu modéliser la cinétique d’apparition/disparition des foci nucléaires pour n'importe quelle protéine se relocalisant sous forme de foci : une formule mathématique que nous avons appelée , "formule de Bodgi", Larry Bodgi étant l'un des créateurs de ce modèle, décrit ces cinétiques en s'inspirant des propriétés mathématiques de la fonction Gamma d'Euler. En introduisant la notion de tolérance aux CDB, nous avons pu modéliser chaque étape des événements moléculaires radioinduits tant dans le cytoplasme que dans le noyau: la protéine ATM se monomérise sous l'action de l'irradiation. Les monomères d'ATM qui sont majoritaires dans le cytoplasme diffusent dans le noyau pour assurer la reconnaissance des CDB et initier leur réparation. Certaines CDB non-reconnues qui restent à réparer peuvent être soit tolérées soit devenir létales pour la cellule. Les paramètres alpha et beta du modèle LQ désignent alors respectivement la proportion des CDB reconnues mais non réparées et la proportion des CDB non-reconnues. Pour la première fois en 40 ans, nous avons pu fournir une interprétation biologique pertinente de la formule du modèle LQ.

Collaborations : Ce projet a été notamment initié avec la collaboration du laboratoire de laboratoire de Physique Théorique de la Matière Condensée de l'Université Pierre et Marie Curie (UMR 7600 CNRS) et du service de dosimétrie externe de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (SDE/DRPH/IRSN).

Soutiens financiers : Ce projet a été notamment financé par le Plan Cancer/AVIESAN dans le cadre de l'Appel à Projet Physicancer.

Acronyme : MICROMEGAS correspond à l'acronyme de Liens mathématiques entre les événements radioinduits précoces : MICROdépôts, chroMatinE et siGnAliSation. Micromégas, écrit dans les années 1730, est également un conte philosophique de Voltaire, postérieur aux Voyages de Gulliver de Jonathan Swift (1726) mais qui leur fait écho : il relate le voyage à travers l'espace de MICROMEGAS, un géant provenant de la planète Sirius qui rencontre des êtres plus petits avec qui il disserte sur l'état de leurs connaissances. C’est le continuel changement d’échelle (microscopique, macroscopique) effectué dans ce conte qui nous a inspirés pour mieux traduire l’idée que notre modélisation mathématique concerne à la fois les phénomènes moléculaires et cellulaires.